C’est dans son repaire de la rue Daguerre dans le 14° à Paris , « A l’ombre d’un bouchon », que Daley Brennan, épicurien dans l’âme, nous a accueilli.
A l’ombre d’un bouchon – 82 rue Daguerre – 75014 Paris – 01 42 18 40 34
MW : Comment êtes-vous devenu caviste ?
DB : Pas du tout de la façon traditionnelle. Je suis né en Angleterre, et je suis arrivé en France en 2007 dans le cadre de ma licence d’études françaises ; nous étions une trentaine dans la promo. Le sujet du premier cours était Cyrano de Bergerac, et, pour être honnête, je n’ai rien compris. On avait beaucoup de littérature au programme, mais l’objectif principal de la formation était surtout d’apprendre la langue. J’ai toujours été intéressé par la linguistique, mais je voulais devenir étudiant-chercheur dans les sciences cognitives. J’ai eu mon master, commencé un doctorat, mais je me suis vite rendu compte que ce n’était pas fait pour moi ; quand mes camarades continuaient à parler de science à la fin de la journée, moi je n’aspirais qu’à boire un bon verre de vin. J’avais déjà eu l’occasion de faire un stage dans une cave au cours de ma licence, aussi j’ai décidé de sauter le pas. Le vin est un bon métier pour une reconversion, c’est évidemment très attirant. J’ai donc changé de domaine très vite, et aujourd’hui j’ai 28 ans, je fais ce que j’aime, j’ai beaucoup de chance.
Le fait que je sois anglais a beaucoup aidé ; la clientèle de cet établissement était assez touristique, je rassurais les clients.
Je suis donc revenu dans la cave où j’avais fait mon stage, sans avoir fait de formation formelle, je suis assez autodidacte. La cave en question existe toujours, la Maison des Millésimes, spécialisée dans le Bordeaux et les grands millésimes, donc. Le fait que je sois anglais a beaucoup aidé ; la clientèle de cet établissement était assez touristique, je rassurais les clients. C’était très formateur mais mon patron, malgré ses bonnes intentions, n’arrivait pas à déléguer, et j’ai vite eu l’impression de stagner, je ne voulais pas rester simple vendeur. En plus de ça, je commençais à tourner en rond dans la boutique, littéralement. J’ai donc décidé de me mettre à mon compte, et j’ai repris « à l’ombre d’un bouchon », malheureusement suite au décès du précédent propriétaire. C’était difficile au début ; il avait beaucoup de clients fidèles, qui ont été très touchés et qui associaient cette cave au souvenir de leur ami défunt. Néanmoins, aujourd’hui, au bout de 18 mois, j’ai pu gagner leur confiance et leur estime, et tout se passe très bien.
Je vends pas mal de whiskys japonais, mais la découverte de l’année c’est le Dad’s Hat
MW : Parlez-nous un peu de votre cave et de ce qui vous différencie des autres
DB : Je n’ai pas vraiment de spécialité à proprement parler ; ma politique c’est de ne jamais refuser une dégustation, car on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Néanmoins on commence à me connaître pour les whiskys, assez bizarrement d’ailleurs, puisque je n’avais jamais vendu une seule bouteille de whisky avant de reprendre cette cave. Je vends pas mal de whiskys japonais, mais la découverte de l’année c’est le Dad’s Hat, un américain : on sent énormément le seigle, on a l’impression de se promener dans une boulangerie rien qu’en le dégustant.
Je propose également beaucoup de vins étrangers, des italiens, des espagnols, des américains, des australiens, des néo-zélandais, et 19 fois sur 20, le client est satisfait. J’ai une forte prédilection pour les blancs allemands, des Riesling, sans une goutte de sucre, très rafraîchissants, très complexes, et avec un très bon rapport qualité/prix.
Enfin, et c’est lié à la cave où j’ai été formé, il y a beaucoup de grands et vieux millésimes français, pour tous les budgets.
MW : Organisez-vous des événements ?
DB : Tous les samedis je fais goûter quelque chose, le nouvel arrivage, de temps en temps avec des vignerons qui viennent animer la dégustation. Il m’arrive aussi de me rendre chez les clients pour animer un dîner. La cave est également parfois privatisée pour des cours, des anniversaires ou même des enterrements de vie de garçon, parfois même après les horaires d’ouverture, et ça peut finir très tard…
MW : Quels sont vos goûts ?
DB : Avant que j’oublie, un mot sur les vins nature : j’en ai, mais ce n’est pas un argument de vente ; ce qui m’intéresse, c’est vraiment le résultat.
Concernant mes goûts, je dirais qu’ils évoluent. Avant j’étais très Bordeaux, et aujourd’hui très Loire : je vis pour le Chenin blanc en ce moment.
Je peux vous donner quelques bouteilles « coup de cœur » : la cuvée Savennières du Domaine FL en Chenin blanc, le Gevrey-Chambertin de chez Armand Rousseau, Le Château Mangot et Le Château Cheval Blanc chez les Saint-Emilion Grand Cru , et pour les whiskys, le Dad’s Hat dont je vous ai déjà parlé.
MW : Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le métier de caviste ?
DB : Le contact avec le client, le conseil que je lui apporte, et sa satisfaction. Mais aussi faire découvrir, les produits qui sortent de l’ordinaire surtout, des whiskys un peu « bizarres » ou des vins étrangers. Le côté pédagogique est aussi très important, avec ma stagiaire Sarah par exemple. « Sans partage le vin n’est rien » : ça résume assez bien mon point de vue. Et puis c’est quand même particulièrement agréable de passer sa journée à sélectionner d’excellents produits.
Je tiens vraiment à ce que ma cave soit accueillante.
MW : Qu’attendez-vous de votre partenariat avec Message In A Window ?
DB : Le concept est très bien, on verra comment ça va se passer. Revenez me voir à la fin de la campagne Glenlivet, je vous raconterai !
MW : Un dernier mot ?
DB : Mon objectif, c’est de rendre le vin accessible à tout le monde, connaisseurs ou profanes, j’essaie en quelque sorte d’être plus « jeune » que le caviste traditionnel, je ne porte jamais de tablier. Je prends des risques dans mes sélections, parfois ça marche, parfois non. En tout cas, je tiens vraiment à ce que ma cave soit accueillante.
Un grand merci à Daley pour cette interview chaleureuse .
Pour en savoir plus : A l’ombre d’un bouchon
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