C’est à deux pas du Bon Marché, dans le 7° arrondissement que cette petite cave, Appellation & Co, aussi jolie qu’atypique, jonchée de livres œnologiques et de bonnes bouteilles a ouvert ses portes en décembre 2010. Nous avons fait la rencontre de Raphaël Aubry-Marais, créateur dans l’âme, qui nous a partagé ses goûts et ses envies.
Appellation & Co : 3 Rue Chomel – 75007 Paris – 01 42 84 31 27
MW : Raphaël, parlez-nous un peu de vous et de votre parcours
Raphaël: Je suis à la fois parisien et provincial : je suis né à Boulogne-Billancourt mais j’ai beaucoup vécu en province, entre la Savoie et l’Auvergne, sans pour autant avoir de véritable historique familial avec le vin. J’appréciais le bon vin mais sans m’y intéresser vraiment. J’ai fait des études que je qualifierais de « classiques », d’abord Sciences-Po Paris, qui se trouve juste à côté d’ailleurs, puis j’ambitionnais de faire l’ENA mais j’ai finalement choisi le business et la finance en entrant à l’ESCP. J’ai eu la chance d’aller en Australie, à Sydney plus précisément, et c’est là-bas que j’ai « redécouvert » le vin, suite à mes premières visites de vignobles. Puis je suis revenu en France, j’ai fait 12 ans de fusions-acquisitions dans des banques et des grands groupes, le dernier en date étant Publicis. C’est en côtoyant ce milieu que m’est venu le goût d’entreprendre : je voulais créer une marque, un business, un concept. C’est d’ailleurs comme ça que je me définirais aujourd’hui : je suis un créateur.
MW : Pourquoi avoir choisi d’ouvrir une cave ?
Raphaël : J’aimais beaucoup le contact et j’étais doué pour la vente mais je n’avais pas d’idée révolutionnaire. Le vin m’est apparu assez vite comme un domaine très intéressant. Entre parenthèses, ce n’est cependant pas pour moi une passion au sens propre : la passion a un côté irrationnel, unique et obsessif que j’abhorre, j’aime au contraire m’intéresser à beaucoup de choses, je déteste m’ennuyer. Et c’est pour cela que le vin m’a particulièrement plu : c’est un sujet extrêmement vaste, extrêmement complexe, infini même ; plus on le creuse, plus il devient riche. Il est impossible de tout connaître, et on en apprend tous les jours. En cela le vin s’oppose à la finance, qui est un sujet appauvrissant intellectuellement, mais aussi émotionnellement, là aussi à l’inverse du vin : rencontrer les vignerons derrière les vins est un des plus belles facettes du métier de caviste.
Et puis, le vin est un sujet qui parle à tout le monde : une bonne partie de mon réseau professionnel de l’époque, dont des entreprises, fait aujourd’hui partie de mes clients. Cet aspect a été décisif dans ma décision d’ouvrir une cave : je voulais un type de commerce qui soit à la fois BtoC et BtoB. Je fais d’ailleurs aussi dans l’événementiel : j’organise assez souvent des dégustations pour des groupes ou des entreprises.
Enfin, le vin est un produit quasiment universel, et à forte récurrence : le relationnel devient vite assez fort ; quand un client passe deux, trois fois, on finit très naturellement par se tutoyer, et c’est vraiment appréciable.
MW : Avez-vous pensé à un autre type de commerce ?
Raphaël : J’ai effectivement d’abord pensé à une librairie. D’ailleurs, comme vous pouvez le voir, je vends des livres, des bandes dessinées, des mangas autour du vin ; cela représente à peu près 5% de mon business, mais c’est surtout un vecteur supplémentaire pour attirer de nouveaux clients. J’en mets quelques-uns en vitrine, c’est plutôt attractif et je vois souvent des clients qui rentrent simplement par curiosité, et qui finalement repartent avec une bouteille de vin.
MW : Parlez-nous un peu plus de votre cave
Raphaël : Toutes les grandes régions françaises sont représentées, avec une sélection de petits producteurs : la Loire, le Beaujolais, la Bourgogne, La Vallée du Rhône, qui est un peu ma spécialité, avec les Côte-Rôtie notamment, le Bordelais, le Languedoc, de plus en plus important, et la Champagne. Il n’y a pas de vin du Sud-ouest, mais ça ne saurait tarder. J’ai aussi quelques vins français « exotiques », un du Jura notamment. Je dirais que j’ai beaucoup de magnums par rapport à la taille de la boutique, mais cela fait suite aux demandes de la clientèle. Concernant les Champagnes, là encore pour une petite cave j’ai beaucoup de grandes marques; cela s’explique par le fait que je travaille avec beaucoup d’entreprises, mais vous trouvez aussi des petits vignerons indépendants, destinés plutôt aux particuliers.
Les vins étrangers sont également très développés, avec des choses très spécifiques, des niches, des italiens notamment, des vins de l’Etna et de Sardaigne, et également des vins croates, quatre références du domaine « Zlatan ».
MW : Des vins australiens peut-être ?
Raphaël : Seulement un en fait, ce sont des vins que je connais très bien mais ça se vend mal. Pour le reste, j’ai également quelques spiritueux, des français, cognac, armagnac, calva, quelques rhums et whiskys également. Enfin, j’ai aussi des bières artisanales, dont une bio, ainsi qu’un poiré et un cidre.
MW : Qu’en est-il des vins biodynamiques ?
Raphaël : Ce n’est pas pour moi un critère décisif, ce qui compte en premier lieu c’est le vigneron. Néanmoins, à peu près 20% des vins que je propose sont labellisés bio, et ma cave compte en majorité des vins biodynamiques.
MW : Quels sont vos vins préférés ?
Raphaël : J’aime particulièrement les Côte-Rôtie, dans ce qu’on appelle le Rhône septentrional, à base de Sirat, mais aussi de plus en plus les vins du Languedoc, avec les Terrasses du Larzac, dont j’ai plusieurs références en boutique, ce qui montre bien que je les apprécie.
MW : Vous parliez de vos rencontres avec les vignerons tout à l’heure : pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Raphaël : J’ai la chance de travailler avec des vignerons du même âge que moi, et qui sont devenus vignerons au moment où je suis moi-même devenu caviste. On a en quelque sorte commencé ensemble notre aventure avec le vin, et ça créé des liens très forts. J’ai donc appris à les connaître, ce sont vraiment des personnes admirables ; ils doivent être à la fois agriculteur, les pieds dans la terre, chef d’entreprise, commerçant, communicant, etc. Tout ça demande beaucoup de talent. Je vais vous raconter une anecdote à propos d’une bonne amie à moi, Aurore Casanova. C’était une des premières clientes de ma cave, danseuse au ballet de Copenhague, dont la mère était vigneronne. Finalement, elle a repris les rênes des vignes familiales, elle a créé son propre Champagne, qu’elle est venue me faire goûter et que j’ai particulièrement apprécié. Aujourd’hui je le vends dans ma boutique! Et cela rejoint une des parties les plus sympathiques du métier :
Mon métier, c’est de faire découvrir des choses, et ça marche dans les deux sens. Plusieurs références que je propose aujourd’hui m’ont été conseillées par des clients, le vin de l’Etna notamment.
MW : Un vin à nous conseiller pour cet automne ?
Raphaël : Et bien justement, je pense à l’Etna Rosso, un cépage local de Sicile, à la fois d’une grande force – très riche en arômes, des fruits rouges, des épices – mais aussi très aérien, avec une grande fraîcheur, qui le rapproche de la Bourgogne. Cela s’explique par le contexte géographique : un sol très pauvre, très minéral, volcanique, des vignes en altitude et un vent marin. C’est vraiment un vin qui apporte beaucoup de plaisir, et qui fait vraiment penser à un grand Bourgogne.
MW: Que pensez-vous du concept de Message In A Window et qu’attendez-vous de notre collaboration?
Raphaël : C’est un concept novateur, séduisant, bien dans l’air du temps : mieux utiliser et valoriser les ressources de chacun grâce à la technologie.
J’en attends des retombées positives en termes d’image, en plus de la rémunération de l’espace vitrine !
MW : Pour terminer, avez-vous des projets liés à votre cave ?
Raphaël : J’ai l’ambition d’en ouvrir une deuxième un jour, à l’étranger, je pense à Bruxelles – mais pas tout de suite, il me reste encore beaucoup de travail dans celle-ci. J’aimerais aussi développer un peu plus mon activité sur internet, et travailler un peu plus sur le bio.
Un grand merci à Raphaël Aubry-Marais pour cette interview.
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